Depuis son introduction en Bourse, le 12 juin 2017, Antalis a vu sa capitalisation boursière s'effondrer de presque deux-tiers.
Introduite sur le compartiment B d'Euronext – capitalisations boursières comprises entre 150 millions et 1 milliard d'euros –, Antalis pourrait passer dès 2019 sur le compartiment C – capitalisations boursières inférieures à 150 millions d'euros – ce qui constituerait une "première" pour une société industrielle qui a réalisé 2.370 milliards de chiffre d'affaires en 2017.
Elle y retrouverait alors Inside Secure, société qui a réalisé 32 millions de chiffre d'affaires en 2017, pour un résultat net en perte, et capitalise autant qu'Antalis pour un chiffre d'affaires 74 fois moindre !
Inside Secure est choisie à dessein car la société, comme Antalis, à Bpifrance Participations pour deuxième actionnaire.
Elle y retrouverait encore probablement Parrot – qui devrait passer dès 2019 sur le compartiment C –, actuellement sous le feu des projecteurs.
Parrot est elle aussi choisie à dessein car la société, dont Bpifrance Participations est là encore actionnaire, fait l'objet d'une OPA à prix cassé d'Horizon, holding familiale de son dirigeant Henri Seydoux.
L'actualité sert, donc, parfaitement le propos lorsque l'on sait que l'OPA est proposée à un cours de 3.20 € alors que Bpifrance Participations est entrée à 17.00 € lors de l'augmentation de capital réalisée fin 2015.
Bpifrance Participations n'en est pas, hélas pour les actionnaires minoritaires de Sequana et Antalis, à son premier couac dans la gestion de ses participations cotées.
Parrot est le dernier exemple concret sur la longue liste de ses échecs.
Si Bpifrance Participations n'apporte pas ses titres à l'OPA – ce qui matérialiserait une perte d'environ 80 % –, elle se retrouvera, à l'issue de l'OPA, comme tous les actionnaires minoritaires qui n'auront pas apporté leurs titres, coincée par un flottant étroit et des volumes de transactions réduits, avec pour seule perspective d'attendre un hypothétique retour à meilleure fortune.
Dans son courrier du 10 septembre 2018, Bpifrance Participations nous indiquait "…conduire son activité en prenant en compte et en respectant à tout moment son propre intérêt…"
Il y a de quoi s'interroger sur "l'intérêt" du bras armé de l'Etat français au moment où le Président Macron évoque une éventuelle montée au capital d'EDF.
En effet, la valeur d'entreprise d'EDF est actuellement de 1.25 x le chiffre d'affaires prévisionnel 2018 lorsque celle d'Antalis n'est que de 0.15 x.
Malgré une valeur d'entreprise 8 fois moindre, Antalis ne semble pas générer "l'intérêt" d'une montée au capital de la part de Bpifrance Participations.
Les dirigeants d'Antalis doivent être dans le même état d'esprit puisqu'ils ne daignent toujours pas mettre en œuvre les instruments et la stratégie adéquats susceptibles de ramener progressivement la capitalisation boursière d'Antalis à sa juste valeur, ou tout au moins présentée comme telle lors de l'introduction, à savoir 3 fois le niveau actuel !
Lorsque le très respecté et écouté Jamie Dimon, PDG de JP Morgan Chase – l'une des plus profitables banques mondiales –, déclare hier, lors d'une conférence organisée par Goldman Sachs, "les rachats d'actions, à mon avis, sont une très bonne chose quand l'action est bon marché" ou "l'idée qu'il faille racheter des actions à trois fois la valeur comptable tangible pour rendre de l'argent aux actionnaires est de la folie", voilà qui devrait être médité par Hervé Ponçin alors qu'Antalis vaut seulement le 1/3 de sa valeur comptable !
Certes, l'issue du litige de la holding Sequana avec le groupe anglo-américain BAT pèse sur les cours de la maison-mère et, indirectement, de sa filiale.
Mais, à ce point, il y a là encore de quoi s'interroger.
Fort opportunément, en effet, à l'approche du jugement de la Haute Cour de Justice de Londres, la sous-valorisation d'Antalis est telle qu'elle rend sa maison-mère Sequana peu ou prou en situation d'insolvabilité.
Au cours actuel d'Antalis, l'actif principal de Sequana représente à peine plus que le montant des dettes de Sequana; selon la définition juridique du terme, Sequana approche, donc, d'une situation d'insolvabilité avant même le jugement.
Le risque principal d'une telle sous-valorisation peut consister en l'arrivée d'un prédateur opportuniste éventuellement non-sollicité.
Prédateur opportuniste comme le sont Horizon et Henri Seydoux qui profitent de l'effondrement des cours post publication de résultats pour lancer une OPA à un cours inférieur à celui qui précédait l'annonce – ce qui est pour le moins dérangeant mais parfaitement réglementaire –.
Prédateur opportuniste et non-sollicité comme comme l'a été récemment DSV sur Ceva Logistics, société cotée à Zurich.
Introduite le 4 mai 2018 à 27.50 CHF, son cours clôture à 18.42 CHF, le 10 octobre 2018.
A ce niveau, la valeur d'entreprise de Ceva Logistics représentant environ 0.28 x son chiffre d'affaires prévisionnel 2018.
Le lendemain, les dirigeants de la société annoncent avoir reçu et refusé une proposition de rachat non-sollicitée de la société danoise DSV à 27.75 CHF, approximativement le cours d'introduction de Ceva Logistics six mois plus tôt.
Cette offre oblige CMA-CGM, actionnaire principal de Ceva Logistics, à monter à 33 % du capital, dès le 17 octobre 2018.
Quelques jours plus tard, DSV retire son offre, entre temps réévaluée à 30 CHF, soit presque 10 % au-dessus du cours d'introduction.
Enfin, le 25 octobre 2018, seulement deux semaines après l'annonce de l'OPA non-sollicitée de DSV, CMA-CGM se voit obligée de lancer une OPA à 30 CHF, mettant ainsi, potentiellement, fin au parcours boursier de la société.
Les similitudes entre Ceva Logistics et Antalis donnent à réfléchir.
Encore plus si l'on considère que le prédateur non-sollicité tout désigné pourrait fort bien être BAT elle-même.
Sequana et BAT étant parties au litige, il est difficile d'imaginer que BAT tente un raid hostile sur Sequana; en revanche, Antalis, non-partie au litige et actif principal de Sequana, constitue une cible idéale pour un BAT qui a parfaitement compris que l'obtention d'un jugement même positif à son égard serait une "victoire à la Pyrrhus".
En apparence, le flottant actuel ne permet pas à un prédateur de prendre le contrôle d'Antalis.
Mais, que trouveraient à dire les dirigeants de Sequana s'ils se trouvaient à recevoir une offre non-sollicitée valorisant potentiellement leur groupe de façon bien supérieure à sa valeur actuelle ?
Refuser l'offre au motif qu'elle ne valorise pas Antalis à son juste niveau serait reconnaitre implicitement la sous-valorisation que nous évoquons, de même que celle de Sequana.
Si une telle offre non-sollicitée parvenait à Sequana avant le jugement émis par la Haute Cour de Justice de Londres, celle-ci ne serait-elle pas encline à penser qu'elle a été abusée par une sous-valorisation "artificielle" d'Antalis destinée à obtenir un jugement favorable de sa part ?
Au cours d'introduction de 3.00 €, Antalis capitalisait 213 millions d'euros, valorisant la participation de Sequana à 160 millions d'euros, soit environ 110 millions d'euros nets de dettes.
Même à ce niveau de valorisation, il eût été difficile d'imaginer un seul instant la Haute Cour de Justice de Londres prononcer un attendu réduisant la valeur de Sequana à peau de chagrin au risque de provoquer une procédure collective et le chômage de milliers de salariés.
Bien au contraire, une hausse des cours d'Antalis post introduction aurait offert la possibilité de lever des capitaux pour alléger la dette, aurait, certes, dilué Sequana, mais aurait, surtout, considérablement allégé le risque d'une tentative de prise de contrôle.
C'est ce risque que nous identifions aujourd'hui comme majeur, a fortiori s'il se matérialisait avant le jugement, car ses effets pourraient être alors dévastateurs sur l'attendu du jugement lui-même et sur Sequana et ses actionnaires.
Il serait temps pour Bpifrance Participations de faire son autocritique et son mea culpa sur six années durant lesquelles elle a exercé ses fonctions d'administrateur de Sequana, validé et cautionné, ainsi, une gestion calamiteuse de Pascal Lebard.
Lorsque Bpifrance Participations entre au capital de Sequana en 2012, Pascal Lebard est Directeur Général depuis déjà 5 ans, avec, à son palmarès, un effondrement du cours de 88 %. Pourtant, il est maintenu à son poste par l'actionnaire principal …
Pascal Lebard, PDG, continue d'enfoncer le clou avec 99.50 % de perte depuis 2007 et 95 % de perte depuis l'arrivée de Bpifrance Participations, faisant de ses 11 longues années de management le pire cauchemar pour les actionnaires d'une société cotée de cette taille. Pourtant, il est toujours maintenu en poste par l'actionnaire principal !...
Pire, enfin, Bpifrance Participations, certes actionnaire principal mais minoritaire et ne contrôlant pas la société, bénéficie d'une position dominante essentielle en assemblée générale alors que, pourtant, les actionnaires minoritaires représentent ensemble l'essentiel du capital.
Cette position dominante eut offert à Bpifrance Participations la faculté de prendre les décisions stratégiques nécessaire à retourner une situation cataclysmique – à commencer par changer le management –, décisions qui, n'en doutons pas, eussent été approuvées en assemblée générale par les minoritaires. Que nenni !
Bpifrance Participations a préféré l'inaction et participé, ainsi, à la ruine entière et complète des actionnaires minoritaires.
La question générale que nous posons à Bpifrance Participations est "allez-vous appliquer la même stratégie à Antalis qui, 18 mois après son introduction a déjà perdu les deux-tiers de sa valeur ?"
Nous posons de plus à Bpifrance Participations les questions suivantes :
- Pensez-vous que la Haute Cour de Justice de Londres va se laisser abuser par la sous-valorisation d'Antalis étrangement concomitante avec l'approche de la date du jugement ? Nous nous interrogeons, en effet, sur le si long délai qu'il lui faut pour rendre ledit jugement.
- Ne pensez-vous pas, au contraire, que la Haute Cour de Justice de Londres, fort consciente du caractère étrange de la sous-valorisation d'Antalis évoquée ci-dessus, diffère volontairement la date de son jugement pour vérifier si cette sous-valorisation doit perdurer éternellement ?
- Ne craignez-vous pas, enfin, que BAT elle-même ne soit pas dupe – comment imaginer un seul instant qu'elle le soit ? – et profite du niveau de cours actuel d'Antalis pour lancer un raid boursier lui permettant de ramener elle-même la capitalisation boursière à sa juste valeur et offrant, ainsi, à la Haute Cour de Justice de Londres la faculté de prononcer un jugement plus équilibré et, donc, moins favorable qu'espéré pour Sequana ?
Ces questions relèvent de conjectures et d'hypothèses que nous sommes en droit de poser alors que les actionnaires minoritaires de Sequana et Antalis sont maintenus dans l'incertitude totale par des dirigeants qui ne daignent même pas s'adresser à eux.
Les track records pour le moins insatisfaisants du management et de Bpifrance Participations ne peuvent que renforcer les conjectures, les hypothèses et la crainte légitime qui les accompagne.
En conclusion, nous sommes enclins à considérer qu'Antalis et Bpifrance Participations devraient mettre en œuvre la stratégie et les instruments adéquats susceptibles de ramener la capitalisation boursière d'Antalis – et conséquemment Sequana – à sa juste valeur ceci afin de ne pas risquer indisposer une Haute Cour de Justice de Londres et tenter une BAT qui ne sont certainement pas dupes de la situation.
La "paix des braves" recherchée par la Haute Cour de Justice de Londres ne vaudrait-elle pas mieux que l'humiliation de l'une ou l'autre partie ?
Cette position pourrait être révisée si les actionnaires devaient être informés d'éléments nouveaux ou, tout simplement, mieux informés.
Sur ce point, la direction de Sequana daignerait-elle, à tout le moins, préciser comment et sous quelle forme – à défaut de savoir quand – elle sera avertie de la date et de la publication du jugement ?