Les comptes MBWS 2021 confirment le retour de la rentabilité mais qui en bénéficiera ?

Les comptes MBWS 2021 confirment le retour de la rentabilité mais qui en bénéficiera ?
 
Pour avoir frôlé le règlement judiciaire en 2018, MBWS a enregistré de lourdes pertes jusqu’en 2020. Le redressement a nécessité des apports de capitaux importants qui ont dilué les minoritaires et favorisé l’acquisition à faible coût de 70% du capital par la COFEPP.  Désormais l’entreprise est rentable et devrait l’être de plus en plus (hormis les évènements contextuels : approvisionnement…) Dès lors les questions d’actualité sont celles du devenir que la COFEPP  lui réserve.
Nos conclusions (pour vous épargner d’aller à la fin de notre analyse)

Les minoritaires sont sous-informés puisqu’ils ne disposent d’aucune prévision sur l’évolution financière pour les prochaines années ! Le plan stratégique se termine cette année et la société n’a dévoilé aucune donnée prévisionnelle. Que penser de la cession des activités espagnoles que les actionnaires n’ont pu découvrir qu’en lisant le Document d’Enregistrement Universel en page 18 ? Aucun commentaire n’avait été fourni dans la présentation du premier trimestre 2021 !

Les informations communiquées dans le rapport annuel sont par ailleurs minimales d’une façon générale.

Le mauvais traitement des actionnaires minoritaires par la COFEPP, actionnaire majoritaire, a été mis en évidence par l’autorité de la concurrence qui l’a condamnée à une pénalité (qui a été négociée : cela signifie qu’elle aurait pu être plus élevée !) de 7 M€ pour ne pas avoir respecté l’intérêt de sa filiale MBWS. Le montant de cette sanction va bénéficier à l’Etat mais non aux actionnaires minoritaires alors que ce sont eux qui ont subi le préjudice du non-respect des règles de la concurrence. Du fait de l’incurie de la Justice, seule l’honorabilité des dirigeants restera entachée mais ce ne sera pas plus que sur d’autres sujets.

Que dire des BSA émis en mars 2019 (en contrepartie de l’absence de DPS) exerçables à 3 €? Sur les 37,7 millions de BSA émis, les minoritaires auront des difficultés à valoriser leur 20 millions de BSA avant le 29 septembre 2022, date à laquelle ils deviendront caducs et perdront toute valeur.

Que dire de la plus-value de 18 M€ engrangée par la COFEPP à l’occasion du rachat des dettes bancaires de sa filiale et d’en avoir conservé tout l’avantage en intégrant la totalité de ces dettes à l’augmentation de capital en diluant d’autant plus les minoritaires !

Que penser d’une augmentation de capital surdimensionnée qui permettrait maintenant à la COFEPP d’accroître encore sa participation de 70 à 78% si MBWS rachetait 10% de son capital afin d’annuler ensuite ces actions ? comme une résolution votée lors de la dernière AG l’autorise ?

Est-ce que la COFEPP poursuivra une démarche d’acquisition du capital de MBWS au détriment des minoritaires en prenant des risques puisque les autorités de contrôle ont été alertées ?

L’ASAMIS ne serait pas hostile à une OPA pour autant qu’elle soit proposée à un cours honnête. Cependant la valeur de l’action est estimée par l’ASAMIS à 3,3 € ce qui supposerait un fort réajustement par rapport à son cours de bourse actuel. Une OPE serait à étudier (voir en toute fin d’article).

L’ASAMIS s’opposerait à une OPA suivie d’une OPRO à un prix bradé.

Par ailleurs nous avons constaté le renforcement de deux actionnaires minoritaires : BDL (8%) et de Alberta Investissement management (3.52%). Même s’ils ne se concertent pas actuellement, ils pourraient le cas échéant être en mesure de faire respecter leurs intérêts en contribuant à empêcher une OPRO.

L’ASAMIS restera vigilante à la préservation des intérêts des minoritaires et appelle ceux-ci d’ores et déjà à se mobiliser, notamment en adhérant et / ou renouvelant leur cotisation ou en faisant un don.

Note :

La COFEPP détient 6,1% du capital de ALBIOMA qui fait l’objet d’une OPA alors que le cours a progressé de 47.6% depuis le 1er janvier 2022. L'offre représente une prime de 51,6 % par rapport au cours de clôture de l'action Albioma le 7 mars dernier avant rumeurs de marché. COFEPP fait ainsi une plus-value d’environ 50 M€ sur 4 mois et pourrait dégager environ 100 M€ sur la cession de ces titres.
Les moyens sont là …
Qui fera mentir le célèbre adage dont on prête la paternité à Albert Frère : « Petit minoritaire, petit con ; gros minoritaire, gros con » ?
M. Jean-Pierre CAYARD et les dirigeants de la COFEPP ou bien des minoritaires ou bien les deux ?
A suivre


Notre analyse

  • Rappel de notre examen des comptes annuels 2020

Nos conclusions : En 2020, des étapes majeures vers une intégration de MBWS au groupe COFEPP ont été franchies : renforcement capitalistique avec montée (à bon compte !) de la participation de la COFEPP, intégration des réseaux commerciaux, allègement d’activités difficilement rentables dans le contexte du groupe. Sur ce dernier point, notons que MBWS se trouve vidée d’une part importante de son chiffre d’affaires ce qui pose la question de son futur en tant qu’entité indépendante.

Son intégration totale dans le groupe COFEPP nous parait dès lors n’être qu’une question de temps.

Les minoritaires sont anxieux de se trouver encore une fois dilués puis d’être expulsés avant que le redressement de MBWS ne revalorise son action. Toutefois une OPA suivie d’une OPR semble peu probable à ce stade en raison du caractère aléatoire du dépassement du seuil de 90% de détention du capital nécessaire pour enclencher un retrait obligatoire.

Une OPE couramment appelée inversée, c’est-à-dire faisant de MBWS le réceptacle d’actifs de la COFEPP avant fusion, est une hypothèse alternative. Pour les minoritaires elle se traduirait encore une fois par une forte dilution même si en contrepartie, ils deviendraient actionnaires d’un acteur majeur sur le marché des spiritueux dont les actifs seraient mieux valorisés. Toutefois cette opération pourrait être suivie d’une OPRO les privant en partie d’un retour à meilleure fortune.

Ces évolutions pourraient se traduire positivement dans l’évolution du cours de bourse MAIS en contrepartie, il convient d’être prudent sur l’évolution générale des marchés financiers. Ceux-ci ont connu ces derniers temps une forte croissance. Le CAC 40 est à ce jour au plus haut depuis 21 ans. Un retournement brutal n’est pas à exclure. Rappelons que le cours des valeurs dites spéculatives est plus sensible à ces fortes variations à la baisse que celle du marché en général.

1.1 – L’abandon des activités polonaises et de Moncigale allège MBWS en volume d’activité mais aussi et surtout en termes de risque de déficit

1.2 - Le bilan au 31 déc 2020 ne donne pas une image actuelle du renforcement opéré via l’augmentation de capital de 100,9 M€ de mars 2021.

1.3. La trésorerie est renforcée et va se renforcer encore en 2021

Les apports de capitaux de la COFEPP s’effectuant par conversion des dettes bancaires et des avances en compte courant consenties, ne se traduisent pas par un apport en trésorerie. Certes ils diminueront les frais financiers qui auraient découlés de ces financements mais ils ne se traduiront pas par un renforcement de la trésorerie sauf pour une partie de la souscription par les actionnaires minoritaires à l’augmentation de capital.

Ces derniers ont apporté 17,4 M€ qui financeront 12,2 M€ du besoin de trésorerie.

Autres éléments d’amélioration de la trésorerie :

  • la créance encaissée le 20 juin 2020 par MBWS Ltd filiale du groupe à Trinidad 6,7 M€. mais non encore convertie en euros. Il restera encore théoriquement à recouvrer 7.7 M€ de la créance Clico Investment Bank à Trinidad mais actuellement il est difficile de prévoir le montant qui sera finalement accordé et à quelle date.
  • le montant de la vente MONCIGALE finalisée en février 2021 pour 2,5 M€ (tandis qu’il n’y a guère à espérer des cessions polonaises)
  • la mise en place d’un nouveau moratoire fiscal et social par la CCSF du Val de Marne pour 7,6 M€ notifié le 1er avril 2021, échéancier de paiements mensuels de 316 k€ sur une période de 2 ans, soit jusqu’à fin mars 2023.

La trésorerie du groupe en 2021 hors impact de l’évolution du besoin en fonds de roulement et du solde de financement sur les investissements, devrait ainsi être améliorée de 12,2 M€ + 6,7 M€ + 2,5 M€ = 21.4 Millions d’euros…

2 – La croissance du CA France génère une amélioration de l’EBITDA France, lequel tire le renforcement global de l’EBITDA

On constate un équilibrage des chiffres d’affaires entre les entités France et international. Le Document d’Enregistrement Universel (DEU) précise les raisons des diverses variations. Globalement l’activité démontre la réactivité des équipes aux évolutions des marchés et l’EBITDA s’améliore de 19.2%.

Il faut relever la baisse réelle de 16% des frais de fonctionnement de la holding qui est masquée par des éléments conjoncturels. Elle confirme le point de vue de l’ASAMIS sur le potentiel d’amélioration que ce poste recelait. Il existe encore une marge d’amélioration notamment sur les charges puisque les licenciements intervenus en 2020 et 2021 ont entraîné une charge exceptionnelle sur ces exercices…sans compter que la rémunération du Directeur général à plus de 800.000 euros est excessive surtout en raison de la réduction du périmètre d’activité depuis sa prise de fonction.

Un aperçu de l’évolution du compte de résultat sur 5 ans montre le changement du groupe MBWS à la fois en termes de volume du chiffre d’affaires (qui a été divisé par 3) et de résultat. Bien sûr les périmètres sont différents et les comparaisons peuvent être objet de critiques mais il n’empêche qu’en 4 ans le groupe a accumulé 235 millions de pertes !...; et que l’hémorragie est enfin stoppée.

3 – Le renforcement de la structure financière a été l’évènement le plus marquant de 2021 et la COFEPP n’a pas manqué d’en tirer profit.

Une rétrospective sur 5 ans montre la régression des capitaux propres jusqu’en 2020 par suite du report des pertes et en dépit d’une augmentation de capital en 2020.

En 2021, l’augmentation de capital de 100.9 millions d’euros a recapitalisé l’entreprise de façon définitive puisque :

  • les pertes appartiennent au passé du fait des cessions des activités polonaises et des vins. La cession des vins espagnols en 2021 pour 3 M€ s’inscrit dans cette politique (marque Marques del Puerto et du site de production Fuennmayor) à Bardinet Espagne.
  • le rachat des dettes bancaires (ainsi qu’on peut le constater dans le tableau sur les lignes «emprunts a») a donné à la société une indépendance financière qu’elle n’avait jamais connu. Toutefois la COFEPP a acheté ces créances aux banques pour 28 M€ tandis qu’elle les a fait payer 46 M€ à MBWS (puisqu’elle a incorporé ce montant en capital à 1.5 € l’action) faisant ainsi une plus-value de 18 M€ soit environ 40% ! Pendant ce temps-là, les actionnaires hors COFEPP ont amené eux 17.4 M€ d’argent frais lors de l’Augmentation de capital.

  • la trésorerie n’a que le défaut d’être trop largement excédentaire :57.2 M€. Il apparaît ainsi que l’augmentation de capital a été surdimensionnée…Cela fait apparaître que la COFEPP a saisi l’occasion de cette recapitalisation pour se renforcer au capital de MBWS au détriment des minoritaires.
  • Il faut noter que la trésorerie a permis de ne plus recourir au factoring en 2021 ce qui diminuera sensiblement les charges.

4 – La COFEPP reconnait début 2022 ses manquements aux règles de la Concurrence vis-à-vis de MBWS et accepte une pénalité de 7 millions.

L’autorité de la Concurrence a reproché à la COFEPP de s’être immiscée dans la gestion de MBWS avant d’avoir notifié l’opération de prise de contrôle de MBWS.

L’autorité constate que la COFEPP avait engagé un rapprochement dès 2015 et qu’elle était même devenue le principal actionnaire en 2017…mais que c’est seulement le 3 janvier 2019 que la COFEPP a déposé son projet de prise de contrôle exclusif de MBWS à l’autorité de la Concurrence. Cette instance de régulation insiste : « Alors que la COFEPP avait pris une influence déterminante dans la gestion de MBWS antérieurement à la notification, elle a poursuivi ce rapprochement prématuré entre la notification et la décision de l'Autorité » rendue un mois plus tard., le 28 février 2019.

Cela aurait conduit à l'échange d'informations « sensibles ». Le nouvel actionnaire principal aurait même donné des instructions au directeur général et au président du conseil de surveillance de sa cible sur différents projets. « L'accumulation des immixtions de la COFEPP dans la vie de l'entreprise MBWS traduit une volonté délibérée de procéder à la réalisation effective de l'opération au mépris des règles de concurrence »…en dépit de la « parfaite connaissance » par l'acquéreur « des obligations relatives à la prise de contrôle exclusif » de Marie Brizard Wine & Spirit, conclut l’Autorité.

La COFEPP n'a pas contesté les faits et a bénéficié d'une procédure de transaction qui permet d'infliger une sanction pécuniaire comprise dans une fourchette proposée par le rapporteur général de l'Autorité et validée par les parties.

Pour les minoritaires, cette condamnation acceptée révèle que la COFEPP a influencé plus fortement la gestion de son concurrent qu’elle ne le prétendait.

De plus le montant de cette pénalité bénéficiera à l’Etat mais non aux minoritaires qui pourtant ont été lésés par ces manœuvres et qui ont justifié cette pénalité.

5 – Les minoritaires ne se laisseront pas gruger par une OPA au rabais et surtout une OPRO qui serait lancée par la COFEPP
Nous actualisons un précédent article à la lumière des chiffres au 31 dec 2021

5.1 - RAPPEL de l’EXPERTISE de 2019 du cabinet LEDOUBLE

Dans le compte rendu au conseil d’administration du 29 janvier 2019, le rapport LEDOUBLE donne une valorisation multicritère de l’action MBWS (page 53)

Cours spot pré annoncé de l’opération 3.60 €
Cours cible brokers après mise à jour des perspectives 2,5 à 2,6 €
Actif Net Comptable estimé au 31 décembre 2018 3,6 à 3,7 €
Actif Net Corrigé 3 à 4,2 €
Valorisation intrinsèque DCF 0,6 à 3,6 €
Valorisation analogique – multiples boursiers 2,6 à 3,8 €

Le cours théorique de l’action post opération d’augmentation de capital réservée est indiquée dans la dernière ligne du tableau de la page 55 du même rapport : 3 €


5.2 – Les EVOLUTIONS INTERVENUES depuis le rapport LEDOUBLE

a) Impacts négatifs sur la valeur nette comptable

5.1.1 Résultats nets négatifs. (valeur intégrée au 30.6.2021)

Les pertes sur les exercices considérés ont diminué les capitaux propres du groupe MBWS.

2019 =- 65.9 M€ 2020 : -38.5 M€ mais les résultats 2021 (5.5 M€) commencent à montrer les conséquences des cessions des activités « dilemmes » ainsi que les effets des réductions de coûts à divers niveaux notamment de la Holding.

5.1.2 Cessions d’actifs (valeur i2021)

Les valeurs immobilisées au titre des immobilisations incorporelles et corporelles ont été réduites en 2020 de 32.9 M€. et en 2021 de 4.8 M€. D’autres éléments d’actif ont diminué également aussi les actifs courants et autres actifs non courants hors trésorerie reculent de 217,1 M€ à 210.5 M€ soit un faible recul de 6.6M€ notamment parce que les créances clients ont progressé de 15 M€. Le reste de l’actif concerne les postes de trésorerie qui se renforcent encore de 55 M€ à 57.2 M€.  

b) Impacts positifs sur la valeur nette comptable

  • Au 31/12/2021 le total de l’actif s’élevait à 268 M€ mais pour calculer l’actif NET comptable, il faut déduire les passifs non courants = 26.6 M€ et les passifs courants = 67.5 M€ = 94 Millions d’euros.

    La VNC ressort ainsi à 173.9 M€.

Cependant pour appréhender la valeur de l’entreprise de façon plus pertinente, il faut corriger certains postes (ANC). Il faut donc réévaluer certaines données patrimoniales et déterminer la juste valeur des différents actifs et passifs.

Avant de procéder à la correction, il faut rappeler les facteurs qui ont fait varier la valeur de l’entreprise :

  • Apports de capitaux (valeur intégrée au 31.12.2021)

En 2019, l’augmentation de capital réservée à la COFEPP a apporté 37,7 M€ tandis que l’exercice des BSA CT et LT a généré : 20,8 M€. Au total, les capitaux propres se sont accrus de 58,5 M€ tandis que le nombre d’actions passait de 28.338 654 fin 2018 à 44.697.904 fin 2019. La COFEPP détenait alors 50,96% du capital.

En janvier 2021, l’augmentation de capital de 100,9 M€ s’est traduite par un accroissement corrélatif du nombre d’actions qui a atteint 111.948.913. La COFEPP détenait alors 70,06% du capital.

Globalement, les capitaux propres sous l’influence de ces opérations se sont accrus de 58,5 + 100.9 M€ = 159,4 M€ mais en contrepartie ont été affectés par les pertes sur ces exercices. Au 32 décembre 2021, les capitaux propres atteignaient 173,9 M€ contre 66,3 M€ un an plus tôt.

Le nombre d’actions est passé de 28.338.654 à 111.948.913 = 83.610.259

  • Suppression de l’endettement bancaire (valeur intégrée au 31.12.2021)

Suivant l’accord du 17/1/2020, la COFEPP a racheté les dettes bancaires de MBWS. : 46 millions d'euros qui ont été acquis en 2020 pour un prix ferme de 28 M€. Ces créances complétées par d'autres apports financiers, ont été utilisés en février 2021 pour libérer la participation de la S.A. COFEPP à l'augmentation de capital de MBWS 

  • Libération des nantissements sur les marques et accroissement de leur valeur.

Les marques ont été libérées des garanties prises pour les emprunts auprès des banques et de la COFEPP.

Dans le domaine des spiritueux, les marques sont un actif stratégique et leur valeur est particulièrement sous-estimée dans le bilan de MBWS. Les marques peuvent s’apprécier notamment suivant la norme ISO 10668 qui définit une méthode pour mesurer leur valeur sur la base des critères financiers (coût historique = somme des dépenses et investissements en marketing sur 10 ans, cash flow ou surprofits, bases comparatives…), juridiques et marketing.

D’une part, il n’est retenu par ailleurs que la valeur des marques acquises en 2006 du groupe Marie Brizard et principalement les marques Marie Brizard et Sobieski. D’autre part, elles sont comptabilisées à la valeur de l’époque et ne totalisent donc que 74,3 M€ en valeur nette. C’est une absurdité légale au même titre que le serait la valeur d’un terrain ayant acquis une importance stratégique mais comptabilisé à sa valeur d’achat voici des années !

Ajoutons que les ventes de la marque Cognac Gautier et sa notoriété se sont accrues sensiblement ces dernières années. De plus MBWS dispose de marques de grande notoriété comme celles rappelées ci-après mais certaines marques plus marginales sont aussi renommées : anisette BERGER, téquila SAN JOSE...

  • Sobieski, 2ème marque de vodka d’origine polonaise la plus vendue en France, rayonnement international,
  • William Peel, 1ère marque scotch whisky en France et 6ème marque mondiale ;
  • Marie Brizard, marque célèbre sur le marché des liqueurs,
  • Cognac Gautier, reconnu à 9 reprises comme le meilleur cognac au monde depuis 2000.

Les marques sont sous-estimées en fait de 40 M€ si l’on se réfère aux dernières transactions qui ont eu lieu ces dernières années.

  • Accroissement du stock de déficits reportables

Le rapport LEDOUBLE se réfère à un stock de déficits reportables arrêté à la date du 31 décembre 2017 de 188,7 M€ et le valorise à 19.2 M€, valeur actuelle des économies d’impôts qui pourrait bénéficier au groupe COFEPP dans l’hypothèse d’une intégration fiscale serait considérablement accrue. La note 5.5 du document d’enregistrement universel 2021, page 140, « incidences des évaluations fiscales dérogatoires » indique au 31 déc 2021 que le montant des déficits reportables au titre de l’intégration fiscale s’élève à 273.4 M€ en baisse de 1.4 M€.

  • Récupération de la créance sur Trinidad et Tobago.

Elle était chiffrée à 2,9 M€ (page 41 du rapport LEDOUBLE). En fait MBWS a encaissé le 26 juin 2020, un montant équivalent à 6,7 M€. Il reste à recouvrir 7,7 M€. En effet la créance initiale était de 27,8 M€ sur laquelle ont été recouvrés 13,4 M€ en 2018 et 6,7 M€ en 2020. Pour rappel, cette créance avait été totalement dépréciée en 2012 !

c) Approche de la valeur par la méthode des flux actualisés, ou DCF

Une des méthodes les plus pertinentes est celle des flux actualisés de cash, plus connue sous le nom de « discounted cash flows » ou « DCF » : c'est la somme de tous les revenus générés à l'infini par un investissement, actualisé en valeur actuelle (décote tenant compte du risque dans la durée et de facteurs spécifiques à cet investissement).

Dans le cas de MBWS, il y a un problème majeur puisque la société ne donne aucune indication sur une éventuelle prorogation de son plan stratégique, ses investissements…

La méthode des multiples (PER : résultat par action/prix de l'action, EV/EBITDA, EV/CA, etc...) est un leurre : en fait, le multiple n'est qu'une traduction de la valeur DCF par action par rapport à un cours de bourse. Il n'existe pas 2 sociétés cotées exactement comparables et « comparer » des concurrents par des multiples est donc futile. Mais à défaut de mieux, c'est quand même pratique ! Il faut juste utiliser des grilles de lecture afin de limiter les erreurs grossières de comparaison. Et se souvenir que ces méthodes de multiples sont destinées à permettre à l'investisseur de faire un choix d'opportunité à un moment donné : acheter l'action X ou l'action Y ?

Il reste donc la méthode de l'Actif Net réévalué qui consiste à ajouter à l'actif net comptable (les actifs diminués des dettes) des valeurs qui ne seraient pas inscrites dans le bilan comptable, essentiellement par prudence : par exemple, un immeuble à Paris comptabilisé pour sa valeur historique et n'ayant pas été réévalué. Dans le cas de MBWS, cette approche est pertinente en raison de nombreux actifs non valorisés déjà évoqués dans ce forum : un déficit fiscal de 273 M€ (soit 70M€ d'économies sur de futurs profits), la valeur des marques depuis qu'elles ne sont plus nanties au profit de COFEPP (depuis l'augmentation de capital de janvier 2021), une créance à Trinidad & Tobago de 12M€ dont 6 ont été reçus et doivent être changés en €, etc...


d) Approche de la valeur nette corrigée

Les plus importantes corrections de l’actif concernent deux chapitres

d.1 le stock des déficits reportables et leur valorisation.

La valorisation qui avait été faite par le cabinet Ledouble intégrait un niveau du taux d’actualisation de 9.3% intégrant une prise de risque de marché de 8%.

Ce taux sera nécessairement revu en fonction de la situation actuelle et prévisible des taux. Par ailleurs, le montant global s’est accru très fortement en raison des pertes sur les derniers exercices. Eu égard à l’évolution des taux d’intérêts et celle de la rentabilité qui laisse espérer une récupération plus rapide de ce déficit, une valorisation sur une base de 35% semble acceptable soit 95,9 M€.

d.2. Le « trou noir » de la valeur des marques.

La valeur des marques certes ne se connait véritablement que le jour où il est procédé à leur vente.

La cession des marques Krupnik et Fruits & Wine a été de ce point de vue décevante mais ne pouvant faire autrement en faisant partie d’un package pour faciliter la cession de ces entreprises.

Néanmoins nous avons noté que la COFEPP avait pris des nantissements en garantie sur les marques pour une valeur de 85 M€ se décomposant en garantie d’une avance de 40,2 M€ et un prêt senior de 45 M€ (page 111 du document universel 2020). Il convient donc de réévaluer les marques à minima par rapport à leur valeur au bilan de 74 M€ ;

La seule marque William Peel a été prise en nantissement pour 45 M€ en garantie de l’emprunt souscrit en juillet 2017 auprès d’un établissement bancaire.

La cession récente (en 2022) d’une marque secondaire de whisky (WINDSOR) par Diageo à South Korean Equity group, pour 163 millions USD, est une des références puisqu’il s’agit d’un blend scotch whisky comme William Peel. La différence est favorable à WP puisqu’il s’agit de la première marque vendue en France avec un chiffre d’affaires d’environ 100 M€ par an.

Dans les ajustements de valeur, il convient aussi d’ajouter la valeur de la marque SOBIESKI. Celle-ci n’est pas du tout valorisée dans le bilan. Il pourrait être pris en référence les dépenses de marketing engagées ces dernières années sur une période de 10 ans (promotions, changement de packaging).

Les ventes en FRANCE de vodka en 2021 en GMS ont atteint un record historique : 23 millions de litres en progression de 1,8 Ml = + 7,8%. La COFEPP représente 52% du total avec POLIAKOV (La Martiniquaise) = 9,2 Ml tandis que SOBIESKI = 3 Ml en hausse de 17% sur un an. .A noter que les marques de distributeurs = 3,3 Ml. La COFEPP qui a su profiter de la plus forte hausse dans les spiritueux. Pernod au 4ème rang avec ABSOLUT ne représente que 2,7 Ml. Toutefois SOBIESKI est mieux implantée que POLIAKOV au niveau international.

En réalité, la valeur des marques du fait qu’il s’agit de marques de premier plan à l’international, ayant notamment pour Marie Brizard et Cognac Gautier une longue histoire, et qui sont rentables devrait faire l’objet d’une étude pour une valorisation correcte. Par défaut, nous l’approchons sur la base du chiffre d’affaires annuel soit environ 160 M€ ce qui entraîne une revalorisation de 166 M€ - 74 M€ => + 92 M€ 

L’actif net corrigé devrait plus correctement être établi ainsi à :

  • Valeur net comptable au 31 décembre 2021 = 173,9 M€
  • Correction estimée sur les marques détenues d’environ : 92 M€
  • Correction due au stock de déficit reportable = 95,4 M€
  • Correction sur la créance de Trinidad Tobago = 7 M€
  • TOTAL estimé et approché de l’actif net corrigé = 368 M€

Il faut le comparer à la capitalisation de 154 M€ le 2 février 2022 = écart de 1.39

La valeur de l’action ainsi approchée, ressort proche de 3.3 €

Le cas d’une OP inversée

  1. L'OPE inversée ne nécessite aucune sortie de trésorerie.

    En pratique, MBWS offre à COFEPP d’échanger X actions COFEPP contre Y actions MBWS. Un expert (Ledouble) valorise les deux groupes et valide les parités proposées. Il va de soi que si elles-ci sont favorables à MBWS, cela passera auprès des actionnaires...
     
  2. L'OPE permet au groupe fusionné d'inclure la trésorerie actuelle de MBWS; pas besoin de rachat d'actions ou de croissance externe ante fusion ou de remboursement en capital. 
     
  3. COFEPP peut se permettre de favoriser les actionnaires de MBWS en acceptant une parité de fusion valorisant MBWS au-dessus de 3 €. Cela impacte uniquement le niveau de participation des actionnaires de COFEPP au capital de l'ensemble fusionné. Or, au vu de la valorisation possible de COFEPP dans le cadre de la fusion, il est clair que l'impact serait minime pour les actionnaires de COFEPP.

Exemple : MBWS à 3 € = 335 M€ ; COFEPP = 1.340 M€ (supposition pour l'exemple). Les actionnaires de MBWS représenteront 20 % de l'ensemble coté et ceux de COFEPP 80 %. Sur un cours de 1.50 € pour MBWS, MBWS = 167.5 M€, l'ensemble vaudrait 1'507 M€ et COFEPP serait alors à 88 % au lieu de 80 %.

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