Les évolutions capitalistiques et le rôle renforcé de la COFEPP
Marie Brizard Wine & Spirits a annoncé le 2 février le succès de son augmentation de capital, avec maintien du droit préférentiel de souscription qui a collecté 100,9 M€, se traduisant par l'émission de 67 248 517 actions nouvelles au prix unitaire de 1,50 euro.
Les capitaux collectés ont permis de rembourser (extrait du communiqué de presse du 2 février)
- l’intégralité des dettes bancaires (hors affacturage) rachetées par COFEPP auprès des prêteurs bancaires de la Société, à savoir le crédit conclu le 26 juillet 2017 d’un montant, en principal, de 45 millions d’euros et les lignes de découvert tirées d’un montant, en principal, de 1,097 millions d’euros,
- l’intégralité avances en compte courant versées ou restant à verser par COFEPP à la Société et sa filiale MBWS France, d’un montant total, en principal, de 32 millions d’euros
- la première tranche de l’avance Pologne octroyée par COFEPP à la Société d’un montant de 3 millions d’euros.
Le produit des souscriptions en espèces à l’Augmentation de Capital versées par les actionnaires autres que COFEPP (cela comprend les souscriptions des adhérents de l’ASAMIS et à propos, nous vous demandons de mettre à jour vos positions sur le site de l’ASAMIS !), d’un montant de 17.4 millions d’euros, permettra :
- de rembourser le solde de l’avance Pologne d’un montant de 5,2 millions octroyée par COFEPP à la Société
- pour le solde, de financer les besoins de fonctionnement du Groupe MBWS.
Résumons : 100,9 M€ - 45 – 1,1 – 12 – 3 – 5,2 = + 24,7 M€
Le capital est désormais de 156,7 M€ correspondant à 111.947.361 actions. La COFEPP en détient 70,6% (contre 50,2% auparavant) ;
En retirant les autres participations de minoritaires identifiés, il demeure un flottant réel de 17,95% sans compter les 120 adhérents de l'ASAMIS qui détiennent 1,44% du capital (sinon plus car beaucoup d'entre eux ont souscrit à l'AK). Avec un flottant près de 20%, on peut dire à la fois que le marché du titre est limité mais aussi qu’il est encore significatif.
Quelques jours après le communiqué de presse de MBWS, le groupe Diana Holding, un des principaux actionnaires depuis 2015, a déclaré à l'AMF avoir franchi en baisse, le 4 février 2021, les seuils de 10% des droits de vote et 5% du capital de la société Marie Brizard Wine And Spirits et détenir 3,52% du capital et 6,19% des droits de vote.
Des départs et des cessions non regrettées et puis une qui interroge.
L’ASAMIS salue la cession des activités polonaises qui ont coûté si cher à MBWS (environ 60 millions dont 25 millions d’investissement en pure perte dans l’usine de Lancut). C’était un foyer de pertes récurrentes dans un marché n’offrant pas de perspective sérieuse eu égard à la part de marché. Aucun regret même s’il a fallu encore restructurer la filiale polonaise pour pouvoir la céder.
L’ASAMIS compte au rang des bonnes nouvelles le départ de Stéphane Laugery en février 2021. Rappelons qu’il avait rejoint l’équipe de direction de MBWS en 2015 comme directeur juridique suite à la prise de contrôle par les fonds vautours. Par la suite il avait été promu secrétaire général et directeur général adjoint.
Lors de l’AG du 31 janvier 2019, il avait soutenu qu’aucune plainte n’avait été déposée en Pologne contre les dirigeants polonais et français et avait mis au défi le président de l’ASAMIS de prouver le contraire. Après la clôture de la réunion lorsque nous lui avions produit la copie de la plainte reçue et enregistrée par le tribunal de Katowice, il s’était surtout préoccupé de l’origine de nos sources. L’ASAMIS a constaté que sa supervision juridique a permis à tous les dirigeants de l’époque dont Jean Noël Reynaud, de bénéficier des meilleures conditions de départ possibles, (y compris le maintien d’actions préférentielles qu’ils ont pu vendre sur le marché lors de la prise de contrôle de la COFEPP).
L’ASAMIS est restée perplexe sur la cession de MONCIGALE pour 3,7 M€ (au mieux). Certes elle va accroître la trésorerie de MBWS qui cependant n’en avait plus besoin !
Nous avons relevé ce commentaire dans la presse : "Cette acquisition permettra (à Boisset) de développer l'activé en vins rosés de Provence, mais aussi de pénétrer certains marchés innovants comme les Boissons Aromatisées à Base de Vin (BABV) grâce à la marque Fruits & Wine mais aussi des vins à faible degré d'alcool ou encore des contenants alternatifs, (canettes, poches, BIB, etc.)",
Un autre commentaire élogieux sur ce rapprochement nous le rend un peu amère : "La situation géographique idéale de Moncigale, son unité de production, ses vins, son savoir-faire sont autant d'atouts. Le rapprochement de ces deux sociétés va consolider la position de Moncigale dans la grande distribution en France mais certainement lui ouvrir les portes de l'international où Boisset possède un réseau établi."
Quel avenir stratégique pour les activités de MBWS ?
Désormais l’activité de MBWS après les cessions de Porto Pitters, de la vodka Krupnik, des vins Moncigale et de Fruits and wine, se concentre sur 4 marques principales :
- La distribution de la vodka SOBIESKI (les usines de distillerie et embouteillage ont été cédées à United Beverages)
- La distribution du scotch whisky WILLIAM PEEL (un accord ayant été trouvé avec le fabriquant ANGUS Distillers)
- La production et la commercialisation des liqueurs MARIE BRIZARD
- La production et la commercialisation du cognac GAUTIER.
1 - Le plan stratégique 2019 – 2022 a besoin d’une actualisation :
Depuis les cessions d’activité intervenues, ce plan est obsolète. Il intégrait des développements qui évidemment ne se feront plus.
De plus, on peut s’interroger sur l’avenir d’une marque de whisky d’entrée de gamme relativement peu rentable quand le groupe COFEPP en possède déjà plusieurs dont elle intègre totalement la production (Sir Edward, Label 5) ?
Par ailleurs l’embouteillage ne va-t-il pas devoir être fait en Ecosse et non plus à Lormont en application des récentes décisions législatives en Grande Bretagne ?
Quel impact du BREXIT est déjà perceptible et est-il prévisible ?
Quel est le devenir de la vodka SOBIESKI dont la production est désormais totalement sous-traitée ? Elle est concurrencée par la Vodka POLIAKOV distribuée par le même réseau commercial.
Quelles sont les perspectives d’activités au sein de MBWS :
- Des anisettes BERGER ?
- D’anciennes marques d’Armagnac et de Calvados ?
- de l’activité vinicole en Espagne et en Bulgarie ?.
- de la téquila San José ?
- du GIN Old Lady ?
La restructuration menée par la COFEPP jusqu’ici a concerné les axes prioritaires de rétablissement de la rentabilité : coupe drastique dans les charges et cession des activités difficilement rentables dans son propre environnement. Il reste à affiner la valorisation de tout le potentiel commercial et industriel de MBWS comme cité supra.
Toutefois deux axes majeurs n’ont pas encore été abordés : la valorisation de l’énorme report déficitaire de MBWS et sa cotation boursière. Le premier est facilement évaluable (80 M€ ?), le second semble être perçu par la COFEPP uniquement comme une source de charges alors que faire coter une société est une démarche longue et coûteuse présentant en contrepartie divers avantages de développement ou dans le cadre d’une succession. Ainsi voit-on se développer un marché des « sociétés blanc seing » ou SPAC (Special-Purpose Acquisition Company)., dont la principale valeur est la disponibilité d’une structure cotée en bourse.
2 – L’ASAMIS demande à la COFEPP de respecter le droit à l’information des actionnaires.
Elle n’a pas publié ses comptes 2019 aussi est-il difficile d’apprécier sa capacité à assurer le développement de sa filiale.
Les derniers comptes publiés fin 2018 montraient des capitaux propres de 590 M€ pour un endettement bancaire net de 238 M€ et un endettement auprès du groupe pour 237 M€. Pour comparaison, en 2017, l’endettement bancaire était de 140 M€ et celui auprès du groupe de 193 M€. En un an, l’endettement de la COFEPP est passé de 333 M€ à 475 M€ = + 42%.
Si l’exercice 2019 avait confirmé cette tendance et que l’exercice 2020 ne serait pas profitable, alors la COFEPP pourrait se trouver dans une situation financière tendue.
Pour illustrer la contrainte de la publication des comptes, rappelons qu’Arnaud Lagardère début juillet 2020, a été condamné par le tribunal de commerce de Paris à payer 60.000 euros aux fonds Amber Capital LLP et Amber Capital Italia pour non publication des comptes de la société Lagardère Capital & Management (LC&M). Cette somme représentait la liquidation de l’astreinte fixée par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris lors d’un précédent jugement. Le juge a également condamné Arnaud Lagardère à payer 10.000 euros de dépens, et a fixé une nouvelle astreinte provisoire de 5.000 euros par jour de retard, pendant trois mois.
Arnaud Lagardère disait « « Je ne vois pas pourquoi je devrais me mettre davantage à nu et publier mes comptes. D’autant que ceux qui réclament les comptes de LCM, comme Amber, ont des idées malveillantes »
Mais il a fini sous le poids de ces astreintes à le faire début août 2020. Il a fait appel, mais le 14 octobre, la Cour d'appel de Paris a confirmé l'obligation pour Arnaud Lagardère de publier les comptes annuels de sa holding, et a "confirmé l'ordonnance entreprise" et également condamné Arnaud Lagardère à verser la somme de 5.000 euros à chacune des sociétés Amber Capital UK LLP et Amber Capital Italia SGR SPA.
L’ASAMIS estime nécessaire de connaitre les éléments de base de la situation financière récente de la COFEPP (ce qui était le cas jusqu’à présent) afin de s’assurer que la maison mère dispose des moyens financiers pour faire face à ses engagements sans utiliser une partie des capitaux levés lors de la dernière augmentation de capital de MBWS et des cessions intervenues.
Conclusions :
Une profonde restructuration de MBWS était nécessaire sur divers plans et notamment financier pour lui donner un véritable avenir. Cette pénible étape est terminée.
Désormais les actionnaires minoritaires de MBWS attendent, en retour des efforts qu’ils ont consentis en soutenant fidèlement l’entreprise, une vision stratégique menant vers le rétablissement d’une rentabilité dans la norme du secteur – même s’ils sont conscients que le contexte économique rend le redressement plus difficile -.
En préalable, ils souhaitent avoir accès aux informations qui leur sont dues légalement sans avoir recours à la contrainte alors qu’ils sont dans une démarche constructive et collaborative pour le succès de MBWS.